Sécurité d'approvisionnement

09.10.2023 – presse
Le spectre d’une pénurie d’électricité a plané sur la Suisse l’hiver dernier. Le pire a été évité principalement en raison des températures clémentes. Mais à l’approche des mois les plus froids, le ciel s’assombrit à nouveau et les craintes de manquer de courant ressurgissent. Qu’est-ce qui a changé par rapport à l’année précédente ? Et comment les distributeurs appréhendent-ils la situation ? Le point avec Christian Darbellay, conseiller en énergie chez Genedis.

Article paru dans la Tribune de l’UVAM n° 58 (septembre 2023)

La Suisse est passée entre les gouttes d’une pénurie de courant l’hiver dernier. Un coup de chance ?

Disons que le vent a tourné en notre faveur. Les facteurs susceptibles de déclencher une pénurie étaient connus : un hiver rigoureux, un approvisionnement en gaz compromis par la guerre et un parc nucléaire français partiellement à l’arrêt. Heureusement pour nous, l’hiver a été doux, ce qui nous a permis d’éviter le pire.

La situation est-elle différente aujourd’hui ?

La disponibilité des centrales françaises est bien meilleure que l’an dernier et les stocks de gaz ont fait le plein. Les indicateurs sont donc favorables de ce côté-là. La Confédération a aussi pris des mesures afin de garantir des réserves d’eau suffisantes pour les mois les plus froids à venir, car on sait que le niveau de remplissage des barrages est plus bas en hiver, ce qui réduit la production hydraulique.

Doit-on tout de même craindre de manquer d’électricité ?

Le facteur déterminant sera une nouvelle fois les températures, en particulier durant les premiers mois de 2024. Nous serons plus sereins si nous traversons un hiver doux plutôt que rigoureux. Mais cela reste difficile à anticiper. C’est pourquoi il est nécessaire de se concentrer sur des éléments dont nous avons la maîtrise. C’est ce qui a été fait. Et de ce point de vue, on sent que nous sommes davantage préparés.

En tant que gestionnaire de réseau de distribution (GRD), comment vous préparez-vous à d’éventuelles coupures ?

Comme GRD, nous devrons appliquer les directives fédérales prévues par le plan OSTRAL en cas de coupures d’électricité (lire encadré). Nous avons profité de l’année écoulée pour affiner nos réglages au niveau de nos plans de délestage. Des simulations ont été réalisées afin de tester et d’adapter nos procédures, notamment en ce qui concerne la manière de remettre en route notre réseau après une coupure afin d’éviter une surcharge ponctuelle.

Et comment préparez-vous vos clients ?

Le travail d’information et de sensibilisation, que nous menons depuis plusieurs années et que nous avons intensifié l’an dernier, s’est poursuivi. Il s’agit, d’une part, de faire prendre conscience au grand public de l’importance d’économiser l’énergie par des gestes simples au quotidien. D’autre part, nous accompagnons personnellement nos « grands consommateurs » pour les aider à réduire leurs charges d’électricité. Cela peut passer par l’optimisation de leurs processus industriels, par l’installation d’une centrale photovoltaïque ou par des réglages de leur chauffage. Nous avons déployé un portail en ligne qui leur est spécialement dédié. Il permet aux entreprises de suivre leurs données de consommation journalières et mensuelles et de les comparer à l’année précédente. Elles peuvent ainsi mieux anticiper leur manière de réagir en cas de contingentement.

Les entreprises sont-elles réceptives à votre message ?

Toutes sont sensibles aux économies d’énergie et cherchent à diminuer leur impact environnemental. Beaucoup investissent pour optimiser leur fonctionnement ou produire leur propre énergie. Chez Genedis, nous voyons les demandes d’audits énergétiques ou d’installations de panneaux solaires et de pompes à chaleur fortement augmenter depuis 2 ans. En tant que prestataire multiservice dans le domaine de l’énergie, nous sommes en mesure de leur apporter une réflexion globale et d’identifier les priorités. De plus, pour les installations d’envergure, nous proposons des solutions de financement et d’entretien.

Les appels à réduire notre consommation sont lancés dans une période d’électrification importante de notre société. N’est-ce pas contradictoire ?

Il est vrai que nous avons besoin de toujours plus d’électricité pour décarboner notre mobilité ou notre chauffage. C’est la voie que la Suisse a choisi d’emprunter en s’engageant dans la Stratégie énergétique 2050. Il serait faux de ralentir la décarbonation du pays par crainte de manquer de courant. Des solutions existent pour renforcer notre sécurité d’approvisionnement. Elles passent par davantage d’investissements dans le renouvelable pour réduire notre dépendance vis-à-vis de l’étranger. Il est nécessaire de continuer à développer le solaire sur le bâti existant, tout en renforçant notre production hivernale grâce à des projets hydrauliques, éoliens et des parcs solaires alpins. L’électromobilité constitue aussi une pièce du puzzle car chaque véhicule possède une batterie permettant de stocker de l’énergie entre le moment de production, c’est-à-dire la charge, et la consommation, la décharge, le stockage étant un enjeu clé de la transition énergétique.

Encadré

Le plan OSTRAL : une progression en 4 niveaux

L’Organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise (OSTRAL) peut être activée par la Confédération en cas de pénurie. Le plan OSTRAL prévoit plusieurs niveaux de préparation. Au niveau 1, la population est appelée à économiser l’énergie sur une base volontaire. Si cela n’est pas suffisant, le niveau 2 est enclenché. Des restrictions de consommation pourraient alors s’appliquer aux appareils et dispositifs énergivores non essentiels, tels que les escaliers roulants, les ascenseurs, les spas ou les éclairages publicitaires. Au niveau 3, les gros consommateurs seraient soumis à un contingentement de l’électricité et auraient l’obligation de réduire leur consommation d’un certain pourcentage. Enfin, le niveau 4 s’appliquerait à l’ensemble du pays par le biais de délestages cycliques, c’est-à-dire des coupures d’électricité de quatre ou de huit heures programmées par rotation à des secteurs entiers d’un réseau.